Deux trios piano-contrebasse-batterie jouaient ce soir à Coutances. Après le trio de Kenny Barron salle Marcel Hélie, c’est le tour de Rymden au théâtre. Deux trios, deux salles, et deux univers totalement différents.
Ils avaient déjà été invités à Jazz sous les pommiers, chacun de leur côté : Bugge Wesseltoft en 2005, et Dan Berglund et Magnus Öström par deux fois, dans le cadre du trio E.S.T., en 2002 et en 2006. Une quinzaine d’années plus tard, on les retrouve réunis sous le nom de Rymden, mot qui signifie “espace” en suédois. Ils interprètent principalement ce soir le répertoire de leur deuxième album, Space Sailors, avec lequel ils avaient tourné sur quelques dates, avant d’être interrompus par l’arrivée du Covid. Ils reprennent seulement maintenant leur tournée, et c’est avec une grande fraîcheur qu’ils abordent ce nouveau programme.
Après une introduction impressionniste, ils entament The Life And Death Of Hugo Drax, construit autour d’un riff rageur de contrebasse. Suit The Space Sailor, nettement plus rock que sur l’album, teinté d’électronique, dont le trio s’amuse à ralentir puis réaccélérer le tempo. Söndan fait la part belle au piano, dans un esprit très romantique, avant de prendre de l’ampleur, donnant un sentiment de grande plénitude. Terminal One tourne autour d’une petite ritournelle et offre l’occasion à Dan Berglund d’utiliser la riche palette de sonorité de son instrument, associant batterie et percussions diverses, laissant deviner en filigrane un tempo reggae sous-jacent. En introduction de The Final Goodbye, Magnus Öström s’amuse à faire un clin d’œil au “meddle” de Pink Floyd et sa basse hypnotique, avant que la batterie ne parte sur un tempo différent, avec un côté industriel, une rythmique lourde et puissante sur laquelle Bugge Wesseltoft improvise, complètement habité, navigant du piano au Fender Rhodes en passant par un synthé aux sons vintage. Un peu de douceur ensuite, avec le profondément mélancolique Pilgrimstad joué à l’archet, enchaîné avec Arriving At Ramajay, balade au piano qui s’intensifie progressivement. C’est ensuite au tour de Dan Berglund d’intervenir en solo, nous offrant un passage étrange et envoûtant, mêlant percussions, sonorités électroniques et voix, rejoint par le pianiste qui égrène sur My Life In A Mirror quelques notes chargées de nostalgie, qui ne sont pas sans rappeler certaines musiques de Joe Hisaishi sur les films de Miyazaki. Le groupe attaque Free As A Bird, dont le thème évoque une sorte de folklore survitaminé et, pour le rappel, le groupe reprend la balade intimiste Homegrown qui clôturait le premier album de Rymden.
Un superbe concert dont la musique associe l’énergie à une extrême sensibilité. On a hâte de découvrir les futures créations du trio qui se démarque progressivement de l’influence d’E.S.T.
Texte et photos : Stéphane Barthod