Brad Mehldau est de retour à Coutances pour notre plus grand bonheur. Son premier passage date de 2003, en trio au théâtre, hors festival. Il est venu par la suite à Jazz sous les pommiers en duo avec Joshua Redman en 2010 et en solo en 2014. Après deux reports ¬– le concert était programmé initialement en 2021 –, le voici enfin à nouveau au festival, en trio.

Et quel trio ! C’est celui des retrouvailles avec Jorge Rossy, compagnon des premières heures, de 1995 à 2007, année de parution de leur dernier album en commun, House on Hill, dont sont repris plusieurs titres ce soir. Le troisième membre du trio est le jeune contrebassiste danois Felix Moseholm qu’on a découvert en 2020 aux côtés du pianiste à l’occasion d’une masterclass donnée en Suisse.

Concernant le répertoire, pas de grands standards ici, hormis deux titres dont un en rappel, pas non plus de reprises pop dont le pianiste est pourtant friand, mais presque uniquement des compositions de Mehldau, qui présente avec beaucoup d’élégance les morceaux en français tout au long de la soirée. il ouvre le concert avec August Ending, dont le thème tourne autour d’un ostinato de deux notes, obsessionnel, dont les musiciens s’éloignent progressivement pour mieux y revenir. Blues Impulse, malgré le titre, évoque plutôt une écriture classique : Bach, dont Mehldau réinterprète la musique dans son dernier album, n’est ici pas très loin… La composition, dansante et légère, offre un écrin de choix au solo du contrebassiste, très inspiré, qui a la lourde charge de remplacer Larry Grenadier au sein du trio. Mehldau et Rossy improvisent à leur tour dans des échanges entre piano et batterie, tout en nuances, mettant en lumière leur grande complicité, et le plaisir évident de reprendre leur aventure commune. Après le paisible et serein Walk in the Park, les musiciens reviennent au répertoire de l’album House on Hill avec Boomer et Ember, un jazz waltz enlevé dont on imaginerait bien le thème dans un film. Le jeu de Mehldau est toujours merveilleusement chantant, détendu et intense, en état de grâce, la contrebasse se fait aérienne. Le pianiste s’offre ensuite un bain de jouvence avec Lucid, morceau tiré de l’album The Art of the Trio, Vol. 1 de 1997, suivi du seul standard du répertoire, The Nearness of you, une superbe ballade de Hoaggy Carmichael que Mehldau habille de très belles couleurs harmoniques. Ici encore, la batterie de Jorge Rossy se fait subtile, tout en nuances, à la fois présente et discrète, le musicien jouant souvent aux balais. Le concert se termine avec Generator, au tempo plus enlevé, et House on Hill, et Beatrice, de Sam Rivers, en rappel.

On ressort de la salle encore émerveillé, et ce concert restera assurément pour les spectateurs qui ont eu la chance d’y assister un des grands moments de cette 43e édition.

Texte et photos : Stéphane Barthod

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