On dit souvent que Jazz sous les pommiers est un festival familial, à échelle humaine, ce qui est tout-à-fait vrai. Pour autant, cela n’empêche pas une certaine ambition, en accueillant ainsi en quelques jours Brad Mehldau, Jan Garbarek et Bill Frisell, excusez du peu ! Le saxophoniste norvégien nous revient à Coutances avec son quartet, le même que celui dont nous nous étions déjà délectés en 2017. Si Trilok Gurtu et Yuri Daniel ont succédé depuis quelques années à Marilyn Mazur et Eberhard Weber, le pianiste Rainer Brueninghaus fait figure de pilier, étant présent aux côtés du saxophoniste depuis les années quatre-vingt.
Un tapis de synthé sur lequel se pose le saxophone ténor : dès la première note, on entre dans l’univers de Garbarek, avec ce son unique, immédiatement reconnaissable. Un son qui ne vient pas de nulle part, qui a été longuement travaillé pour en maîtriser la dynamique, en contrôler le souffle… On retrouve ici des éléments caractéristiques du quartet, avec la basse au son ample et profond de Yuri Daniel et les percussions puissantes et subtiles de Trilok Gurtu. L’ensemble offre une image sonore riche, colorée, contrastée et toujours équilibrée, au service de compositions évocatrices aux mélodies épurées. Le deuxième titre débute avec des percussions vocales, ce que l’on appelle le Konnakol, une technique issue de la tradition d’Inde du Sud. Ceux qui ont assisté samedi au concert d’André Manoukian ont eu droit à quelques explications de Mosin Kawa à ce sujet. La soirée est par ailleurs ponctuée d’interventions en solo de chaque musicien, à commencer par Yuri Daniel, à la basse fretless, qui installe grâce à un looper, outil désormais bien connu du public, des couches sonores successives de basse et de percussions sur lesquelles il déroule son solo, très démonstratif. On revient ensuite à un thème plus rêveur, qui donne l’occasion à Rainer Brueninghaus d’improviser autour d’une simple petite ritournelle constituée des cinq premières notes de la gamme majeure, un solo léger qui sonne comme une comptine. Après un retour à une musique plus musclée, c’est au tour du pianiste de rester seul sur scène. Il commence dans une inspiration très classique, romantique, pour glisser progressivement vers un rythme plus swinguant qui tourne au boogie-woogie pour s’achever dans un ragtime déjanté ! Le concert se poursuit ainsi, alternant les thèmes écrits et les moments d’improvisation, notamment l’incontournable solo de Trilok Gurtu, qui tire de ses percussions des sons impressionnants, renforcés par des effets d’écho et de réverbération.
La musique offerte ce soir par Jan Garbarek est riche de contrastes, d’images, de climats et de saveurs variées, et le public quitte la salle à regret, mais riche de sensations et d’émotions.
Texte et photos : Stéphane Barthod